La Loi sur les SEM à OPÉRATION UNIQUE a été votée mercredi 18 juin au Sénat. Le SA13 s’inquiète sur son incidence sur l’indépendance de l’architecte dans le cadre de ces opérations.


Dans la nuit du 18 juin 2014, les sénateurs ont adopté conforme la PPL créant des sociétés d’économie mixte à opération unique.
Les 3 amendements proposés par Jean-Yves LECONTE ont tous été retirés, comme cela était prévisible.
Le CNOA a été le seul à faire porter des amendements "jusqu’au bout" et à avoir été présent de facto tout au long des débats à l’assemblée et au sénat. Pourquoi lutter devant l’unanimité ? Diderot a dit qu’il est plus aisé d’être fou parmi les fous que sages tous seuls... les architectes l’ont été en 2003 quand le projet PPP a émergé, et chacun reconnaîtra aujourd’hui la pertinence de notre analyse qui nous a permis par 2 fois, en étant les initiateurs des recours au conseil constitutionnel, d’en faire une procédure d’exception. Pour la SEMOU, les intentions avouées lors des débats des sénateurs durant cette nuit ont été d’utiliser SEMOU et PPP à fond avant que Bruxelles assainisse les règles de la comptabilité publique. Il n’y a aucune possibilité de recours au conseil constitutionnel pour la SEMOU en raison de l’unanimité.

Ci-dessous le compte-rendu de séance :

Au cours des débats, Jacques MEZARD (RDSE Cantal) a rappelé que la PPL, créant une « nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnalisé », avait fait l’objet d’un vote unanime en première lecture.
Il a ajouté que ce nouvel outil avait été validé par la Commission européenne et la CJCE et ne remplaçait pas les « outils traditionnels que sont les sociétés d’économie mixte locales et les sociétés publiques locales », ni les partenariats public-privé ou les délégations de services publics.
Il a indiqué qu’il connaissait les « inquiétudes des professionnels », mais que celles-ci ne « tenaient » pas car il ne s’agit pas de contrats de partenariat et que les projets seraient moins importants possibilité de faire appel à des entreprises locales).
Il a conclu en indiquant que ce texte devait « aboutir rapidement, afin que les collectivités locales puissent se saisir dès que possible de ce nouvel outil qui ne leur fera pas courir les risques des partenariats public-privé » et a plaidé pour un vote conforme.

Antoine LEFEVRE (UMP Aisne) s’est dit ravi de voir ce texte, identique à celui qu’il avait déposé, aboutisse. Il a indiqué qu’il créait un « partenariat public-privé sécurisé qui existait ailleurs, mais que la France ne connaissait pas », outil innovant et nécessaire aux collectivités locales.
Il a souligné qu’il connaissait les inquiétudes sur la question de la sous-traitance et que les débats en commission des lois les avaient levées ajoutant au passage que le Rapporteur avait reçu les architectes.
Il a conclu en indiquant que le groupe UMP voterait ce texte.

Jean-Léonce DUPONT (UID-UC Calvados) a rappelé que la PPL avait été déposée par une centaine de parlementaires (Sénateurs et députés) de différents groupes.
Il a jugé judicieux que l’outil soit rebaptisé « société d’économie mixte à opération unique (Semop) », l’acronyme Semop étant « déjà couramment utilisé ».
Il a souligné que ce texte respectait les 8 grands principes fixés initialement dont la maîtrise publique : la présidence de la structure revenant à un élu.
Il a ajouté que l’examen avait conduit à simplifier les dispositions et garantir leur appropriation rapide par les élus.
Il a conclu en indiquant que la Semop « sera une entreprise à part entière, et non un contrat pourvu d’un droit idoine, qui ne viendra pas « challenger » les autres formes de partenariat » et qu’elle trouvera sa place « auprès des SEM locales et des sociétés publiques locales ».
Il a appelé à voter « un texte court, simple et sécurisé juridiquement ».

Evelyne DIDIER (CRC Meurthe-et-Moselle) a indiqué que le groupe CRC était opposé par principe à ces Semop même si le dispositif avait été sécurisé. Elle a indiqué que son groupe s’abstiendrait car le texte restait trop ambigu.
« Que la SEM-contrat devienne Semop et que le dispositif ait été sécurisé ne change rien à notre opposition de principe. Au fond, de quoi cette proposition de loi est-elle le nom ? De la RGPP, suivie par la MAP, qui ont ravagé les collectivités territoriales et leur ont ôté l’expertise. Les Semop représentent-elles vraiment une alternative quand la collectivité territoriale peut détenir seulement 34 % du capital ? À vrai dire, l’appellation de société d’économie mixte est abusive. La Semop se rapproche davantage des partenariats public-privé que des SEM locales ou des sociétés publiques locales. Comment garantir que la collectivité territoriale fera usage du pouvoir qui est le sien avec cette prétendue minorité de blocage ? Au reste, les entreprises ne s’y sont pas trompées : elles accueillent avec enthousiasme ce nouvel outil. Encore et toujours, la privatisation rampante du service public. Et ce sont certainement les mastodontes du BTP, de l’environnement et des transports qui deviendront des partenaires parce que les PME locales n’auront pas les reins assez solides. L’ordre des architectes est très critique sur un montage qui les subordonne aux intérêts marchands. »

René VANDIERENDONCK (SOC Nord) a indiqué que les socialistes ne sont pas « enthousiaste pour le partenariat public-privé vu le risque de consanguinité qu’il recèle », mais qu’ils étaient favorables à ce texte qui avait évacué tout « cousinage avec le partenariat public-privé ».
Il a salué un travail transcourant qui avait conduit à sécuriser juridiquement cet « instrument entre la régie et la délégation de service public, - un mode médian » : « on donne au privé la possibilité de concourir à un service public dont la collectivité conserve le contrôle en cours d’exécution ».
NB : il a donné rendez-vous « à tous ceux que le sujet intéresse pour la transposition de la directive sur la commande publique et pour les SEM hydro-électriques lors du projet de loi sur la transition énergétique ».
Il a conclu en appelant à voter pour un texte, soulignant qu’il s’agissait d’une « date importante pour l’allégement des normes et la défense du service public ».

Lors du débat en séance, Jean-Yves LECONTE (SOC Français hors de France a défendu les 3 amendements) en ces termes :
- Amendement 2 (Article 1er) imposant une évaluation préalable du recours à une SEM à opération unique
- « Je suis embarrassé de présenter maintenant mes amendements de témoignage sur ce texte de consensus. Je souhaite vous faire part de mes inquiétudes. Avec la Semop un opérateur pas totalement public interviendra pour une collectivité publique. Il y aura donc un transfert d’argent, un engagement financier hors bilan. Il serait souhaitable que la procédure de choix de l’opérateur suive le modèle des contrats de partenariat, inscrit au code général des collectivités territoriales.
Si cet amendement était adopté, il n’y aurait pas de vote conforme, mais je tenais à exprimer mon doute. Je salue le travail du rapporteur et du Gouvernement. »
Jacques MEZARD lui a demandé de le retirer sinon à préconiser un rejet : « Vous voulez absolument assimiler ces Semop à des partenariats public-privé. Nous en avons longuement débattu en commission des lois. Votre crainte n’a pas lieu d’être : la collectivité publique établira un document de préfiguration de la constitution de la future SEM et de son projet. Faisons confiance à l’intelligence territoriale ; continuons de le dire, même si cela n’est pas entendu. Multiplier les contraintes ne rend service ni à nos collectivités, ni à l’économie de notre territoire. Un vote conforme serait un signe positif pour les élus locaux. »
André VALLINI, Secrétaire d’Etat à la réforme territoriale a émis un avis défavorable « Si nous créons ce soir, à l’initiative du Sénat, un nouvel outil, c’est justement pour éviter les risques que font courir aux collectivités les partenariats public-privé. Vos craintes sont légitimes et respectables mais infondées... Le Gouvernement soutient la création des Semop. L’exécutif fait, lui aussi, confiance à l’intelligence territoriale, il sait le sens des responsabilités des élus locaux et leur souci de bonne gestion. »
Jean-Yves LECONTE a alors retiré l’amendement : « Par réalisme, je m’incline... puisque tout le monde ou presque appelle à un vote conforme. Mon souci était de poser un verrou pour conjurer les risques inhérents aux partenariats public-privé, instruit par l’expérience financière de certaines collectivités ».
- Amendement 3 (Article 1er) imposant une mise en concurrence indépendante de l’équipe de maîtrise d’œuvre en cas de réalisation d’une opération de construction ou de développement de logement, ou la gestion d’un service public incluant la construction d’un ouvrage
Jean-Yves LECONTE : « Après notre collègue communiste Je veux rappeler que les architectes sont inquiets des conséquences pour les villes et l’urbanisme de l’action d’opérateurs qui pourraient ne plus s’appuyer sur des maîtres d’oeuvre indépendants répondant aux conditions posées par la loi sur l’architecture. Cette inquiétude peut paraître étrange de la part d’un sénateur représentant les Français de l’étranger. Justement, je voyage dans beaucoup de pays aux règles d’urbanisme anarchiques et j’en vois les conséquences. »
Jacques MEZARD lui a demandé de le retirer sinon à préconiser un rejet : « Le texte soumis au vote du Sénat est en parfaite adéquation avec les lois sur l’architecture.
Vous voyagez beaucoup, dites-vous. Nous, initiateurs de ce texte, sommes tous des élus locaux responsables d’exécutifs locaux. Songez-y, vous qui êtes contre le cumul des mandats. Nous avons l’expérience, sur le terrain ; nous faisons appel à des entreprises, à des maîtres d’oeuvre. Le maître d’ouvrage, croyez-nous, décide, commande, a un projet et paie.
Les architectes sont inquiets ; je sais pour avoir moi-même exercé une profession libérale que certains corporatismes s’expriment ; mais nous pouvons les rassurer car toutes les garanties sont apportées. »
André VALLINI a demandé le retrait : « Nous avons perçu les inquiétudes, en particulier des architectes, qui se sont beaucoup manifestés auprès des parlementaires et du Gouvernement. Je rappelle que la loi sur l’architecture n’est nullement remise en cause par ce texte. Je tiens à mon tour à les rassurer. »
- Amendement 1er (Article 1er) encadrant les critères d’attribution de la mise en concurrence pour préserver l’accès des PME et des artisans à la commande publique.
Jean-Yves LECONTE l’a retiré après ces mots : « Je vais retirer cet amendement aussi, sans être convaincu. La richesse du Sénat tient aux expériences différentes qu’il réunit. Les conditions d’appel aux maîtres d’oeuvre ne sont pas les mêmes, avec la Semop, que pour les autres opérations de construction. Recourir à un maître d’oeuvre indépendant demeure une garantie pour le suivi du cahier des charges car la collectivité n’a pas forcément les compétences pour le faire. »

Denis Dessus, architecte

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La Provence - 19 juin 2014
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